Médecine complémentaire

Nutriépigénétique : Ou quand les gènes s’invitent dans la nutrition

Mangerons-nous demain en fonction de notre patrimoine génétique ? Saurons-nous prévenir certaines pathologies en adaptant notre alimentation ? Ce n’est pas pour tout de suite, mais la recherche avance sur ce sujet. Comme l’a présenté le Pr. Claudine Junien (Paris - Inserm U781), lors de la 10e Conférence européenne de nutrition. Il est maintenant établi que des facteurs génétiques sont à l’origine d’une série de maladies métaboliques et notamment de l’obésité et du diabète.

Mais il y a aussi les variations épigénétiques. Sous ce nom, on désigne les modifications que l’environnement, surtout pendant la grossesse et la prime enfance, mais aussi plus tard, peuvent provoquer sur le fonctionnement des gènes.

Elles vont conditionner le devenir des individus notamment en ce qui concerne les risques de pathologies apparaissant ultérieurement dans la vie.

Modèles animaux

La recherche dans ce domaine a permis de comprendre un grand nombre de mécanismes moléculaires qui expliquent ces transformations. Beaucoup sont induits par les manières de s’alimenter, d’où le nom de nutriépigénétique. Des modèles animaux (souris, rats) montrent déjà des faits transposables à l’homme. Par exemple, il est possible, par différents types d’alimentation, de prouver que la moitié des enfants femelles de mère obèse nourris normalement pendant la gestation et l’allaitement résistent à l’effet obésitogène d’un régime trop gras et développent une satiété plus développée. Ces adaptations, bénéfiques ou non, peuvent toucher aussi bien la satiété, les sucres, les graisses, les rythmes hormonaux circadiens et vont en très grande partie conditionner le destin métabolique futur. Elles offrent des pistes pour une prévention ciblée mais nécessitent encore beaucoup de recherche. Les gènes interviennent aussi dans le contrôle du poids. J. A. Martinez (Université de Pampelone en Espagne) évoque ainsi le lien entre génétique et perte de poids induite par des régimes alimentaires. L’obésité est une affection complexe, impliquant de nombreux gènes et sur laquelle influent certains facteurs environnementaux. C’est pourquoi la perte de poids en fonction d’un régime varie beaucoup d’une personne à l’autre. On sait que certains gènes impliqués dans la régulation énergétique, l’appétit et la restriction énergétique, le métabolisme lipidique ou l’adipogenèse limitent l’efficacité des régimes alimentaires chez certains sujets obèses. L’identification de nouveaux gènes impliqués dans le contrôle du poids pourrait permettre de personnaliser les recommandations spécifiques (diététique, activité physique ou mise en place d’un traitement) et faciliter ainsi la perte de poids et la stabilisation sur le long terme.

Ces recherches sont d’autant plus importantes qu’il est maintenant connu qu’il existe une association entre l’excès de poids, l’accumulation des graisses abdominales et le risque de développement d’un diabète de type 2. Ces relations sont complexes mais des facteurs de prédisposition génétique, encore à l’étude, expliquent en partie ces affections.

Si des gènes peuvent être responsables de certaines pathologies, il ne faudrait pas en oublier l’implication des aliments. Le Pr. Gérard Ailhaud (CNRS / Université de Nice-Sophia Antipolis) analyse le lien entre les différents acides gras à longue chaîne et le développement du tissu adipeux.

Acides gras et tissu adipeux

Durant l’adipogenèse, les acides gras à longue chaîne interagissent avec les cellules au stade pré-adipocytaire et favorisent la formation d’adipocytes. Tous les acides gras à longue chaîne (oméga-6 ou 3) ne sont pas équivalents en termes d’action sur l’adipogenèse « in vitro » et sur le développement du tissu adipeux « in vivo ». Au cours des dernières décennies, la composition en acides gras observée dans le lait maternel, le lait infantile et dans la plupart des aliments s’est modifiée avec une augmentation de l’acide linoléique sans modification du taux d’acide alpha linoléique. Or, seul le premier de ces composants majore le risque d’accumulation de masse grasse ce qui pourrait, du moins en partie expliquer l’augmentation de prévalence du surpoids et de l’obésité infantile.

Outre les mécanismes physiologiques et comportementaux à l’origine du contrôle de l’appétit et de la consommation alimentaire, certains aliments semblent agir de façon intrinsèque.

MS Westererp-Plantenga (Maastrich, PaysBas) explique que les régimes hyperprotéinés sont utilisés pour le contrôle pondéral en raison du degré de satiété que ces aliments peuvent entraîner (même si tous ne génèrent pas la même satiété), de leur impact sur la thermogenèse, les échanges énergétiques et sur la composition du corps. La consommation d’un régime hyperprotéiné permet d’obtenir une perte de poids et elle permet, en outre, sans que l’on connaisse les raisons de façon précise, une majoration de la sensibilité à l’insuline. En période de maintien pondéral, le régime hyperprotéiné agit sur les échanges énergétiques et permet de réduire la masse grasse. Mais les effets à long terme de ce type de régime sont souvent décevants et les récidives très fréquentes.

Nutrition Génétique