Médecine complémentaire

Réglementation Allégations et profils nutritionnels

L’Efsa a enfin livré son premier lot d’avis sur les allégations santé fonctionnelles génériques (article 13.1 du règlement européen). 1 000 avis étaient attendus depuis juillet. 523 avis sur plus de 200 composants alimentaires sont finalement sortis. Des chiffres qui montrent autant le travail accompli que celui encore à abattre pour traiter les quelque 3 660 demandes d’allégations restantes.

Le panel d’experts du groupe scientifique sur les produits diététiques, la nutrition et les allergies (groupe DNA) a pour objectif de publier ces avis d’ici fin 2010, soit deux ans après leur soumission par la Commission. La constitution d’une liste positive clôturera ce fastidieux travail d’analyse de 44 000 allégations initialement transmises par les états membres à la Commission avant que celle-ci n’en retienne que 4 185. Environ un tiers des dossiers d’allégations ont obtenu un avis positif des experts. Soit un total de 105 liens de causes à effets validés entre une substance et une allégation santé (cf encadré « 105 couples substanceallégations utilisables par tous les industriels »).

Deux familles principales de nutriments ont passé le cap : les vitamines et les minéraux, ainsi que les fibres alimentaires, certains acides gras et les chewinggums sans sucre. Du côté des déçus, probiotiques et substances botaniques se sont vus signifier un « lien de cause à effet non établi ». Près de la moitié des évaluations négatives l’ont été par défaut de caractérisation de la substance.

Les industriels, peu étonnés par les avis rendus par l’Efsa - en droite ligne avec les précédents sur les allégations de santé des articles 13.5 et 14 (cf « Deux articles et deux alinéas pour trois types d’allégations santé ») regrettent, de façon générale, le manque de transparence dans les critères d’évaluation au moment de la soumission des dossiers et le manque de dialogue en cours d’étude. « Ceux-ci sont également dans le flou complet quant au délai de parution des prochains avis, note Augustin Deschamps, co-directeur de l’activité agroalimentaire du cabinet de conseil Alcimed. L’absence de visibilité rend plus compliqué le développement de nouveaux produits dont l’argumentation marketing passerait par une allégation. »

En parallèle, la Commission européenne et les États membres ferraillent sur la construction des profils nutritionnels. Attendus depuis le 19 janvier dernier, nul ne sait quand ils seront prêts. « Discussion toujours en cours », répond-on à Bruxelles. Un consensus aurait émergé sur les trois nutriments qui serviront de base à l’établissement des profils : acides gras saturés, sel / sodium, et sucres ajoutés.

Spécificités alimentaires

La construction des catégories semble le point le plus discuté. Le cas des fromages pour la France illustre bien les spécificités nationales en termes d’habitudes alimentaires. Source de calcium dans le bol alimentaire français, ils n’en sont pas moins riches en acides gras saturés et en sel et pourraient donc se voir refuser le droit à allégation. « Tous ces doutes ne doivent pas empêcher les industriels de continuer à innover, insiste Édouard Casala, consultant Alcimed. Les retours de l’Efsa ont, malgré tout, permis d’y voir plus clair sur les critères d’évaluation. » Ainsi la nouvelle soumission de Danone pour Actimel défend désormais une allégation relative à l’article 14 et non plus 13.5, visant « la réduction de la présence de toxines Clostrodium difficile dans l’intestin, chez les personnes âgées à risque. Une présence associée à des cas de diarrhée aiguë. » Une allégation qui se révèle scientifiquement plus ciblée que la notion d’immunité.

Deux articles et deux alinéas pour trois types d’allégations santé

Article 13.1

L’article 13 concerne les allégations de santé dites fonctionnelles au sens où elles ne font pas référence à la réduction de risque de maladie, pas plus qu’au développement et à la santé infantiles. Une liste des allégations autorisées au titre de l’article est constituée.

Le paragraphe 1 décrit les allégations de santé fonctionnelles dites génériques. C’est-àdire les allégations de santé reposant sur des preuves scientifiques généralement admises et qui sont bien comprises par le consommateur moyen.

Celles-ci décrivent ou mentionnent : le rôle d’un nutriment ou d’une autre substance dans la croissance, dans le développement et dans les fonctions de l’organisme, ou dans les fonctions psychologiques et comportementales, ou dans l’amaigrissement, le contrôle du poids, la réduction de la sensation de faim, l’accentuation de la sensation de satiété ou la réduction de la valeur énergétique du régime alimentaire.

Article 13.5

Le paragraphe 5 s’intéresse aux allégations de santé fonctionnelles, aux rôles identiques à ceux du paragraphe l, mais qui s’appuient sur des preuves scientifiques nouvellement établies et/ou contiennent une demande de protection des données relevant de la propriété exclusive du demandeur.

C’était le cas de Provexis en mai dernier, qui a obtenu un avis favorable pour l’allégation « aide à maintenir une agrégation plaquettaire normale » d’un concentré de tomate hydrosoluble.

Article 14

L’article 14 précise l’usage des allégations relatives à la réduction d’un risque de maladie et des allégations se rapportant au développement et à la santé infantiles. Une liste spécifique rassemble les allégations autorisées accompagnées de toutes les conditions nécessaires à leur uti1isation.

Profils nutritionnels - Ce qui semble acquis

Des catégories plutôt qu’un profil général
A un profil unique appliqué à l’ensemble des aliments, le groupe de travail devrait préférer la définition de catégories de denrées alimentaires. A chacune s’appliquerait un profil spécifique. Avantage : les profils sont plus simples et donc plus adaptables. Inconvénient : la définition des catégories est un exercice délicat. L’Efsa avait, quant à elle, préconisé un profil nutritionnel pour les denrées alimentaires en général avec des exemptions pour un nombre limité de groupe de denrées ayant des rôles alimentaires importants. On pense aux huiles et à certains produits laitiers dont le taux d’acides gras aurait pu être disqualifiant.
Trois nutriments seulement
Pour simplifier les profils, l’Efsa avait préconisé un nombre limité de nutriments. États membres et commission auraient suivi son conseil et trouvé un consensus sur une liste de trois: acides gras saturés, sel / sodium et sucres ajoutés. Ils suivraient en cela une autre suggestion de l’Efsa qui préconisait de retenir des nutriments dont la consommation en Europe ne suivait pas les recommandations en matière d’apports nutritionnels. Les trois nutriments en question ont bien tous une implication reconnue respectivement dans les maladies cardiovasculaires, l’hypertension et l’obésité.
Des seuils plutôt que des scores
Le système à seuil qui semble retenu a le mérite lui aussi de la simplicité de mise en oeuvre. En fonction du profil de sa catégorie de denrées alimentaires, l’aliment devrait respecter un taux maximal pour chacun des trois nutriments. S’il en dépassait un, il ne devrait pas pouvoir prétendre à une allégation santé. Voici pour le principe. Par ailleurs, l’article 4.2.b du règlement précise que les allégations nutritionnelles (du type « moins de... », « riche en... ») « sont autorisées dans le cas où un nutriment particulier excède le profil nutritionnel, pourvu qu’une mention portant spécialement sur ledit nutriment apparaisse à proximité de l’allégation, sur la même façade et avec le même visibilité. » Une mention qui devra dire : « Forte teneur en... » Dans un système à scores, un aliment aurait obtenu une note globale, résultat de ses bons et mauvais points nutritionnels. Côté simplicité, avantage au système à seuil donc. Côté cohérence nutritionnelle, le système à scores colle plus à la réalité qui veut qu’un aliment amène, le plus souvent, du bon et du mauvais.

Les 3 questions qui restent en suspens

Comment définir les catégories ?
Les sources d’inspiration pour établir les catégories de denrées alimentaires sont multiples. Selon qu’elles sont destinées à des buts éducatif, statistique, commercial ou fruit de réglementations déjà existantes, les catégories voire les sous-catégories varient en nombre et en périmètre. La pierre d’achoppement des discussions tient évidemment dans les spécificités nationales industrielles et de consommation. Ainsi la France ne souhaite-t-elle pas voir pénalisés ses produits de terroir (fromages, saucissons).
Quelles doivent être les quantités de références ?
Trois options sont envisageables : par poids ou volume (par 100 g ou 100 ml), par rapport à une base énergétique (par 100 kcal) ou par portion de consommation (tranche, sachet...). Du point de vue du consommateur, un seuil à la portion paraît plus logique. Reste à s’entendre au niveau européen sur les tailles standard de portions. Du point de vue de l’industriel, en revanche, un seuil au 100 g aurait le mérite de s’aligner sur le système d’étiquetage en vigueur. Mais sa pertinence peut être moindre, spécialement pour des produits consommés en petite quantité.
Sur quelles bases définir les seuils ?
Les recommandations nutritionnelles proposées par les autorités de santé publique sont une référence. Conçues pour la diète dans son ensemble, elles ne peuvent s’appliquer directement à un aliment sans amener des incohérences. Dans un tel cas, les matières grasses seraient touchées au premier chef. Les catégories de denrées trouvent donc là leur légitimité, mais il faut alors définir de nouveaux seuils. Les spécificités nationales rentrent à nouveau en ligne de compte dans les négociations.
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