Système de défense gastrointestinal
Pour protéger l'organisme contre les bactéries, les virus et les macromolécules étrangères pouvant pénétrer par la cavité buccale, le tube digestif est doté de systèmes immunitaires très efficaces : au niveau de la bouche déjà, les constituants salivaires (mucines, IgA, lysozyme, thiocyanate) empêchent la pénétration des germes. Dans l'estomac, l'acide chlorhydrique et les pepsines agissent comme bactéricides, le tube digestif possédant son propre tissu lymphatique immunocompétent, à savoir les plaques de Peyer. Des cellules M spécialisées (« cellules membraneuses ») de la muqueuse permettent aux antigènes luminaux d'accéder aux plaques de Peyer. Là, la réponse peut être une activation de la sécrétion d'IgA (immunisation orale, dans certaines conditions aussi allergisation orale). En contraste avec les autres immunoglobulines, l'IgA dans la lumière intestinale est protégée contre les enzymes digestives grâce à un composant de sécrétion qui est attaché aux IgA dans les cellules épithéliales. Enfin, les branches de la veine porte, dans le foie, renferment des macrophages particulièrement nombreux (cellules étoffées de Kupffer) formant une autre barrière contre les germes qui proviennent du tube digestif. Chez les nouveau-nés, la muqueuse du tube digestif est surtout protégée par l'IgA provenant du lait maternel.
La composition de la salive met en évidence son rôle : les substances mucilagineuses (mucines) lubrifient les aliments et les rendent ainsi déglutissables ; elles facilitent également les mouvements de la mastication et de la parole. La salive a aussi un rôle important dans l'hygiène buccale (irrigation de la bouche et des dents) et sert de liquide obturateur lors de l'allaitement du nourrisson. Les substances alimentaires sont en partie dissoutes dans la salive, ce qui constitue une des conditions de la digestion buccale et de l'efficacité du stimulus gustatif. La digestion des glucides (amidon) peut commencer dès la mastication grâce à l'α-amylase salivaire (ptyaline). L'immunoglobuline A, la lysozyme et la peroxydase servent à la défense contre les agents pathogènes, et la forte concentration de HCO3- alcalinise et tamponne la salive jusqu'à un pH de 7 à 8. Un pH acide inhiberait l'α-amylase et endommagerait l'émail dentaire.
La sécrétion salivaire est de 0,5 à 1,5 l/j. En fonction du degré de stimulation, le débit salivaire peut varier de 0.1 à 4 ml/min. Pour un débit de 0,5 ml/min, environ 95% de la salive provient des glandes parotides (salive aqueuse) et des glandes submaxillaires (salive riche en mucine) ; le reste est sécrété par les glandes sublinguales et les glandes de la muqueuse buccale.
Les acini des glandes salivaires sont le lieu de formation de la salive primaire (A, C) dont la composition électrolytique est similaire à celle du plasma et dont la formation est assurée au moyen du transport transcellulaire de Cl-. Le Cl-, prélevé du sang, est transféré dans les cellules des acini par un mécanisme de cotransport actif secondaire Na+-K+-2Cl (transport inverse par rapport au rein) ; il atteint la lumière des acini au moyen des canaux Cl-. Ceci provoque un potentiel luminal transcellulaire négatif qui amène également le Na+ dans la lumière (diffusion paracellulaire) ; l'eau suit le même mouvement pour des raisons osmotiques. Les neurotransmetteurs qui stimulent la sécrétion salivaire augmentent la concentration intracellulaire en Ca2+ , lequel permet non seulement l'ouverture des canaux Cl- (et par là même augmente la sécrétion liquide), mais stimule également l'exocytose des protéines salivaires.
La salive primaire subit ensuite des modifications lors de son passage dans les canaux excréteurs de la glande : le Na+ est réabsorbé à ce niveau, tandis que les ions K+ et HCO3- sont sécrétés. L'anhydrase carbonique participe à la forte sécrétion d'HCO3- dans la salive et au transport des ions H+ dans le sang (antiport Na+/H+ ). Comme la réabsorption de NaCl dépasse la sécrétion d'HCO3- la salive devient hypoosmolaire au repos jusqu'à 50 mosm/kg H20. La faible concentration en NaCl améliore la solubilité protéique et diminue le seuil de perception des récepteurs gustatifs pour le sel.
La production de salive est déclenchée par voie réflexe . Les stimuli sont, notamment, l'odeur et le goût des aliments, le contact avec les muqueuses buccales et la mastication. Les réflexes conditionnés peuvent aussi jouer un rôle. Ils doivent faire l'objet d'un apprentissage. Un fait anodin, comme par exemple le bruit des assiettes avant un repas, peut, par la suite, constituer à lui seul un stimulus suffisant. L'activation cholinergique, β-adrénergique et peptidergique (substance P) stimule la formation d'une salive aqueuse. C'est l'augmentation du flux de Ca2+ dans le cytoplasme cellulaire à partir des stocks intracellulaires et du LEC qui constituent le facteur déclenchant. Lors de la stimulation cholinergique, les glandes salivaires sécrètent aussi des enzymes (kallicréines) qui libèrent un puissant vasodilatateur, la bradikinine, à partir du kininogène plasmatique. Ici, les VIP (peptides intestinaux vasoactifs) jouent probablement le rôle de cotransmetteurs. Une telle vasodilatation est nécessaire, car la salivation maximale dépasse la valeur du flux sanguin local au repos. L'activation (β-adrénergique des glandes salivaires conduit (via l'AMPc) à une salive très visqueuse et riche en mucines. La production de cette salive augmente chez les chiens qui mangent de la viande, alors qu'une nourriture sèche provoque avant tout une activation cholinergique donnant une salive aqueuse. La signification biologique de cette dualité dans le contrôle des phénomènes moteurs sécrétoires chez l'homme et la raison pour laquelle ces deux systèmes de contrôle produisent des compositions salivaires différentes sont inconnues.
Étant donné que la production salivaire moyenne est étroitement liée à la teneur en eau de l'organisme, la bouche et la gorge deviennent sèches en cas de carence en eau ; ce phénomène entraîne non seulement une économie d'eau mais contribue aussi à la sensation de soif qui est important pour l'équilibre du bilan hydrique de l'organisme.
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